Naufrage au Fort Boyard (17)
La presse a rapporté ce fait divers, qui aurait pu tourner au drame.
Le 4 août 2011, une famille décide de louer un voilier pour aller voir le Fort Boyard de plus près.
Le père a témoigné dans la presse :
"Nous étions à Boyardville avec l?idée de découvrir Fort Boyard à bord d?une vedette à passagers. En raison de la météo, la vedette avait été retardée. A l?endroit où je me suis renseigné sur les horaires, on m?a remis un prospectus pour aller près du fort avec un bateau sans permis."
La famille finit donc par se rabattre sur la location, à 45? de l?heure.
"Je me dis, bateau sans permis égale sortie sans risque. Je suis parti comme si j?allais traverser La Charente. J?ai le permis mer depuis trois ans, mais n?ai pas beaucoup navigué. Justement, j?ai envie d?un truc détente, et finalement, c?est sympa d?emmener les enfants. Si dans ma tête j?étais parti avec un bateau avec permis, je me serai mis dans une configuration différente, notamment sur l?armement, le matériel de sécurité..."
Ils embarquent à 13 heures, sur un semi-rigide qui les transportent jusqu?au bateau loué, qui est au mouillage devant la plage.
Les trois filles ont déjà enfilé une brassière de sauvetage.
"Un jeune employé me montre le coupe-circuit. Je vois que c?est un petit moteur. Il me dit où passer, mais ne me montre pas l?équipement de sécurité, les brassières pour les adultes, les fusées de détresse. Il faudra trois tentatives pour démarrer le bateau. Quand il sort l?arbre d?hélice de l?eau, le moteur tourne, puis il cale quand il le replonge."
L?amarre est finalement larguée. Il pleut.
Le cap est mis sur le fort.
Il leur a été indiqué de le contourner en l?abordant par l?enceinte qui fait face à Aix, puis de revenir en repassant entre le fort et Oléron.
"La puissance, c?est teuf-teuf, mais bon, je me dis que je ne suis pas là pour les sensations. Même pas 5 minutes après le départ, la houle commence à nous balloter. J?aurais alors dû faire demi-tour. C?est ma deuxième erreur."
"Comment enfiler les brassières quand tu es dans l?eau , avec une main pour tenir le bateau ?"
La première erreur ?
"Ne pas avoir enfilé les brassières, ma compagne et moi. En les mettant, je pense que j?aurais pensé à un risque ! Je n?y serais pas allé non plus, si le loueur m?avait dit que nous risquions d?être brassés."
"Nous nous en voulons à mort. Nous n?avions rien à faire en mer avec une enfant de 2 ans. Tiphaine me dit à propos des filles, "elles se trempent".
Le bateau embarque de l?eau. Avec 6 cv, sans puissance, je tombais dans le creux des vagues. Il s?alourdit petit à petit, je ne le vois pas."
Deux, trois vagues, il chavire
Arrivé au fort, je m? aperçois que ça sera une galère de le contourner.
Je fais donc demi-tour pour rentrer.
On embarque un gros paquet d?eau.
Tous trempés.
Ma femme me dit, "tu veux que je l?appelle ?" , en parlant du loueur.
Le temps que je réfléchisse, ou que je me dise que suis en situation de danger, je ne sais plus, le temps d?un instant, un ou deux paquets arrivent sur la droite du bateau. Je ralentis.
Une deuxième, ou une troisième grosse vague nous prend.
Le bateau s?enfonce, nos effets commencent à flotter.
Il chavire. Tout de suite, je pense au gros sac que j?ai vu à l?avant en embarquant, je crie à tout le monde de s?accrocher au bateau, Tiphaine prend la petite.
Dans le sac, les brassières.
J?essaie d?en passer une autour du cou.
Comment ça marche ces trucs là quand on garde une main accrochée au bateau ?
On trouve le sifflet, pas de fusées.
Le loueur me dira qu?elles étaient au fond dans une pochette...
Nous parvenons à hisser les deux grandes sur le sommet de la coque retournée, à genoux.
Tiphaine retient la petite comme elle peut sur l?avant.
Moi j?essaie d?équilibrer le bateau.
Il est notre survie.
J?ai peur qu?il coule.
Et l?on part à la dérive. Peut-être 30 à 40 minutes. Apparemment sur 2,5 kilomètres.
On a du chavirer 20 minutes après le départ.
Il fait gris, on ne voit rien.
Gagner le fort à la nage ? J?y pense. Je ne suis pas bon nageur.
La panique envahit tout le monde. Je la sens dans les yeux de Tiphaine.
Je me retourne sur le fort. Je vois des jets skis, des voiliers, tout au loin.
Personne ne nous voit. Nous sommes au ras de l?eau."
"Là où je l?ai mauvaise, c?est lorsque le loueur que j?ai revu après m?a expliqué qu?en sept ans d?activité, c?était la première fois que cela lui arrivait. Sur votre site, un blog d?une lectrice expliquait qu?une semaine auparavant autour de fort Boyard, le bateau qu?il lui avait loué manquait de puissance, elle avait failli aller au casse-pipe !"
Le mot de l'Expert :
D'après les informations rapportées par la presse, il semble que le loueur ait failli à son devoir de conseil sur deux points:
- mise en mains du bateau très partielle, notamment au niveau du matériel de sécurité.
- absence de conseil par rapport aux circonstances (météo, zone, équipage)
La personne ayant loué le bateau a quant a elle pris des risques de façon consciente, si l'on considère qu'elle est en possession du permis mer depuis 3 ans.
En effet, l'obtention du permis mer suppose une capacité à l'appréciation du risque météorologique, et la connaissance des procédures de sécurité.
Il serait intéressant d'en savoir un peu plus sur les cours ayant permis l'obtention du permis mer, et voir ce que ce monsieur en a retenu ou compris.
Non pas pour lui faire porter le fardeau de la faute, mais pour mettre en lumière les carences du système.
Ayant nous-même travaillé jadis pour un bateau-école, nous avons toujours été effrayé de voir ces sociétés transformer en l'espace d'un weekend et à coup de bourrage de crâne, une personne lambda qui ne connaît rien à rien en un candidat au permis mer qui passe son examen le lundi et part en mer le mardi, la fleur au fusil.
Pour en revenir à notre histoire, il est assez surprenant que, sachant la vedette "ralentie par la météo", ce monsieur prenne la décision de louer un bateau.
La météo est la même pour tout le monde, et ne fait pas de différence entre permis ou pas permis, location ou pas.
L'argument "sans permis, donc pas dangeureux" est incroyablement candide, mais l'honnêteté intellectuelle de ce monsieur nous permet de lever le voile sur le fonctionnement de la société actuelle, où tout est consommation à risque zéro.
Imaginerait-on faire le Paris-Dakar avec une voiture sans permis ? Pourtant, rien ne l'interdit...
Quand vous louez un bateau, vérifiez que le contrat de location prévoit une mise en mains complète, car c'est la responsabilité du loueur.
Faites preuve de beaucoup d'humilité face aux éléments et prenez la météo et l'avis des professionnels.
Si les pêcheurs ne sortent pas, ne sortez pas.
Nous avons vu, il y a quelques années au Tréport, une petite famille hollandaise qui a failli disparaître sous nos yeux avec leur Nauticat. Force 6, rafales à 7. Bloqués depuis 3 jours au port et un bateau de location à ramener à temps...Ils ont juste eu le temps de contourner la jetée, sur laquelle ils ont failli se fracasser, puis ont fait demi-tour et sont rentrés sains et saufs. Très, très pâles.
Le 4 août 2011, une famille décide de louer un voilier pour aller voir le Fort Boyard de plus près.
Le père a témoigné dans la presse :
"Nous étions à Boyardville avec l?idée de découvrir Fort Boyard à bord d?une vedette à passagers. En raison de la météo, la vedette avait été retardée. A l?endroit où je me suis renseigné sur les horaires, on m?a remis un prospectus pour aller près du fort avec un bateau sans permis."
La famille finit donc par se rabattre sur la location, à 45? de l?heure.
"Je me dis, bateau sans permis égale sortie sans risque. Je suis parti comme si j?allais traverser La Charente. J?ai le permis mer depuis trois ans, mais n?ai pas beaucoup navigué. Justement, j?ai envie d?un truc détente, et finalement, c?est sympa d?emmener les enfants. Si dans ma tête j?étais parti avec un bateau avec permis, je me serai mis dans une configuration différente, notamment sur l?armement, le matériel de sécurité..."
Ils embarquent à 13 heures, sur un semi-rigide qui les transportent jusqu?au bateau loué, qui est au mouillage devant la plage.
Les trois filles ont déjà enfilé une brassière de sauvetage.
"Un jeune employé me montre le coupe-circuit. Je vois que c?est un petit moteur. Il me dit où passer, mais ne me montre pas l?équipement de sécurité, les brassières pour les adultes, les fusées de détresse. Il faudra trois tentatives pour démarrer le bateau. Quand il sort l?arbre d?hélice de l?eau, le moteur tourne, puis il cale quand il le replonge."
L?amarre est finalement larguée. Il pleut.
Le cap est mis sur le fort.
Il leur a été indiqué de le contourner en l?abordant par l?enceinte qui fait face à Aix, puis de revenir en repassant entre le fort et Oléron.
"La puissance, c?est teuf-teuf, mais bon, je me dis que je ne suis pas là pour les sensations. Même pas 5 minutes après le départ, la houle commence à nous balloter. J?aurais alors dû faire demi-tour. C?est ma deuxième erreur."
"Comment enfiler les brassières quand tu es dans l?eau , avec une main pour tenir le bateau ?"
La première erreur ?
"Ne pas avoir enfilé les brassières, ma compagne et moi. En les mettant, je pense que j?aurais pensé à un risque ! Je n?y serais pas allé non plus, si le loueur m?avait dit que nous risquions d?être brassés."
"Nous nous en voulons à mort. Nous n?avions rien à faire en mer avec une enfant de 2 ans. Tiphaine me dit à propos des filles, "elles se trempent".
Le bateau embarque de l?eau. Avec 6 cv, sans puissance, je tombais dans le creux des vagues. Il s?alourdit petit à petit, je ne le vois pas."
Deux, trois vagues, il chavire
Arrivé au fort, je m? aperçois que ça sera une galère de le contourner.
Je fais donc demi-tour pour rentrer.
On embarque un gros paquet d?eau.
Tous trempés.
Ma femme me dit, "tu veux que je l?appelle ?" , en parlant du loueur.
Le temps que je réfléchisse, ou que je me dise que suis en situation de danger, je ne sais plus, le temps d?un instant, un ou deux paquets arrivent sur la droite du bateau. Je ralentis.
Une deuxième, ou une troisième grosse vague nous prend.
Le bateau s?enfonce, nos effets commencent à flotter.
Il chavire. Tout de suite, je pense au gros sac que j?ai vu à l?avant en embarquant, je crie à tout le monde de s?accrocher au bateau, Tiphaine prend la petite.
Dans le sac, les brassières.
J?essaie d?en passer une autour du cou.
Comment ça marche ces trucs là quand on garde une main accrochée au bateau ?
On trouve le sifflet, pas de fusées.
Le loueur me dira qu?elles étaient au fond dans une pochette...
Nous parvenons à hisser les deux grandes sur le sommet de la coque retournée, à genoux.
Tiphaine retient la petite comme elle peut sur l?avant.
Moi j?essaie d?équilibrer le bateau.
Il est notre survie.
J?ai peur qu?il coule.
Et l?on part à la dérive. Peut-être 30 à 40 minutes. Apparemment sur 2,5 kilomètres.
On a du chavirer 20 minutes après le départ.
Il fait gris, on ne voit rien.
Gagner le fort à la nage ? J?y pense. Je ne suis pas bon nageur.
La panique envahit tout le monde. Je la sens dans les yeux de Tiphaine.
Je me retourne sur le fort. Je vois des jets skis, des voiliers, tout au loin.
Personne ne nous voit. Nous sommes au ras de l?eau."
"Là où je l?ai mauvaise, c?est lorsque le loueur que j?ai revu après m?a expliqué qu?en sept ans d?activité, c?était la première fois que cela lui arrivait. Sur votre site, un blog d?une lectrice expliquait qu?une semaine auparavant autour de fort Boyard, le bateau qu?il lui avait loué manquait de puissance, elle avait failli aller au casse-pipe !"
Le mot de l'Expert :
D'après les informations rapportées par la presse, il semble que le loueur ait failli à son devoir de conseil sur deux points:
- mise en mains du bateau très partielle, notamment au niveau du matériel de sécurité.
- absence de conseil par rapport aux circonstances (météo, zone, équipage)
La personne ayant loué le bateau a quant a elle pris des risques de façon consciente, si l'on considère qu'elle est en possession du permis mer depuis 3 ans.
En effet, l'obtention du permis mer suppose une capacité à l'appréciation du risque météorologique, et la connaissance des procédures de sécurité.
Il serait intéressant d'en savoir un peu plus sur les cours ayant permis l'obtention du permis mer, et voir ce que ce monsieur en a retenu ou compris.
Non pas pour lui faire porter le fardeau de la faute, mais pour mettre en lumière les carences du système.
Ayant nous-même travaillé jadis pour un bateau-école, nous avons toujours été effrayé de voir ces sociétés transformer en l'espace d'un weekend et à coup de bourrage de crâne, une personne lambda qui ne connaît rien à rien en un candidat au permis mer qui passe son examen le lundi et part en mer le mardi, la fleur au fusil.
Pour en revenir à notre histoire, il est assez surprenant que, sachant la vedette "ralentie par la météo", ce monsieur prenne la décision de louer un bateau.
La météo est la même pour tout le monde, et ne fait pas de différence entre permis ou pas permis, location ou pas.
L'argument "sans permis, donc pas dangeureux" est incroyablement candide, mais l'honnêteté intellectuelle de ce monsieur nous permet de lever le voile sur le fonctionnement de la société actuelle, où tout est consommation à risque zéro.
Imaginerait-on faire le Paris-Dakar avec une voiture sans permis ? Pourtant, rien ne l'interdit...
Quand vous louez un bateau, vérifiez que le contrat de location prévoit une mise en mains complète, car c'est la responsabilité du loueur.
Faites preuve de beaucoup d'humilité face aux éléments et prenez la météo et l'avis des professionnels.
Si les pêcheurs ne sortent pas, ne sortez pas.
Nous avons vu, il y a quelques années au Tréport, une petite famille hollandaise qui a failli disparaître sous nos yeux avec leur Nauticat. Force 6, rafales à 7. Bloqués depuis 3 jours au port et un bateau de location à ramener à temps...Ils ont juste eu le temps de contourner la jetée, sur laquelle ils ont failli se fracasser, puis ont fait demi-tour et sont rentrés sains et saufs. Très, très pâles.
NB : Cet article est informatif, et ne constitue pas une
prestation de conseil ni une expertise. Il vise à améliorer la
compréhension du contexte nautique et maritime, et ne saurait en
aucun cas se substituer à une expertise maritime, ou à
l'intervention d'un professionnel. Les articles techniques sont à
usage pédagogique et ne remplacent pas les instructions
constructeur. Les opérations techniques ne doivent être
entreprises que par des personnes compétentes.